Mettre à l’arrêt l’instruction des demandes d’autorisation en matière d’urbanisme ne permet pas d’avancer : les décevantes rectifications apportées par l’ordonnance 2020-427 du 15 avril 2020
A la suite de la loi du 23 mars qui nous plonge dans l’état d’urgence sanitaire depuis le 12 mars jusque –actuellement- au 24 mai 2020, l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 avait :
– suspendu le délai d’instruction des demandes interdisant notamment toute autorisation tacite avant le 24 juin, pour les demandes antérieures au 12 mars,
– différé au 24 juin le point de départ du délai d’instruction. pour celles déposées après le 12 mars,
Sûrement motivé par différents motifs dont une forme d’état global de stupeur et la volonté de préserver l’action publique dont les moyens ont été fortement sollicités par ailleurs et réduits par les effets de la crise sanitaire, ce choix est apparu rapidement contre-productif pour assurer la continuité des projets immobiliers et fixer les conditions d’une reprise au plus vite de l’activité économique.
Pressé par les professionnels, le gouvernement avait indiqué réfléchir à un assouplissement de ces règles pour éviter qu’une zone blanche aujourd’hui annonce une période noire demain pour le bâtiment, volet essentiel de l’économie nationale.
Il avait été annoncé un contre-pied aux choix antérieurs en annulant la suspension des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme, avec la faculté, au cas par cas et sur décision du préfet de département, de déroger à cette instruction pour les collectivités ou les services déconcentrés de l’État qui ne sont pas en mesure d’étudier les dossiers.
L’ordonnance n°2020- 427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JO du 16 avril) n’a pas pris ce chemin en ajoutant un Titre II bis à l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.
Certes, en vue d’une purge des autorisations –laquelle commande une réaction en chaîne d’acquisition du terrain et de financement des projets-, elle fixe la fin de suspension des délais de recours échus durant la période de l’état d’urgence, dès la fin dudit l’état d’urgence, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours (art.12 bis).
Le caractère définitif des autorisations reste subordonné au régime contentieux, et donc au possible décalage inhabituel entre l’affichage d’une autorisation et le point de départ du délai de recours des tiers.
L’avancée est limitée s’agissant de l’instruction des demandes puisque le nouvel article 12 ter dispose : « Les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l’urbanisme ainsi que les procédures de récolement prévues à l’article L. 462-2 du même code, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.
« Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci.
« Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration mentionnée à l’alinéa précédent».
Il est donc gagné la reprise du cours des délais à la date de cessation de l’état d’urgence, et non un mois plus tard.
L’article 12 quater retient un régime identique de suspension pour le cours des délais d’exercice du droit de préemption.
L’ajustement assuré par l’ordonnance du 15 avril n’est pas celui qui était attendu. Il a manifestement été arbitré en faveur d’une protection de l’action administrative alors que les services des collectivités et de l’Etat font face à des priorités attachées à la protection sanitaire impérieuse des populations, et fonctionnent actuellement en mode dégradé.
Il est manifestement apparu difficile de retenir le principe d’un maintien de l’instruction des demandes d’autorisation tout en l’assortissant de possibles dérogations au cas par cas, dérogations qui auraient rendu encore plus complexe la compréhension du régime transitoire et auraient affaibli la sécurité juridique.
Plutôt que de mettre en place des systèmes alambiqués dont les conditions auraient relevé du contrôle du juge et les effets auraient prospéré sur de longs mois, on pressent l’option simple de la prise en compte d’une « période hors sol » de suspension tant que dure l’état d’urgence sanitaire, avant de basculer à nouveau dans le droit commun.
Les souplesses nouvelles issues de l’ordonnance du 15 avril restent maigres et l’on peut craindre qu’elles n’évitent pas la sclérose des projets en cours, eu égard aux conséquences en cascade attachées à l’absence d’affermissement des droits de construire dans les modèles de la promotion et de l’aménagement.